Ours dans les Pyrénées : un disfonctionnement de l’Etat depuis 1991

Samedi matin l’opération d’effarouchement de l’ours en Ariège-Pyrénées au-dessus de Saint-Lary en Bellongue sur les estives de Barestet et d’Estremaille était devenue nécessaire pour faire partir le plantigrade de cet espace où il fait de nombreuses victimes. La vie est devenue intenable pour ces bergers qui occupent la montagne depuis des millénaires. Leurs ancêtres, parfois leur père ou leur grand-père, ont su se débarrasser du prédateur ou l’utiliser pour de meilleures conditions de vie. Jamais cette utopie de cohabitation n’a existé sauf, dans certains cas, lors d’une capture d’ourson pour en faire un animal dressé pour les montreurs d’ours que les plus pauvres allaient exhiber dans les villes et jusqu’aux Etats-Unis où, parfois, certains y ont fait fortune.

Une manipulation et un disfonctionnement de l’Etat

Au-delà de l’effarouchement, éleveurs, élus et sympathisants voulaient également faire passer un message latent depuis plusieurs années : des problèmes graves de disfonctionnement de l’Etat. Déjà en 2008, un dossier sur les mensonges de l’Etat, avait été remis au Préfet de région Midi-Pyrénées, lors de l’ouverture d’une réunion de ce qui fut très brièvement le Groupe National Ours, qui l’avait jeté à terre.

Dans son ouvrage, ‘La réintroduction de l’ours – L’histoire d’une manipulation’, David Chétrit fait ressortir de nombreux éléments dont avait connaissance l’ADDIP. La presse, elle-même, n’a pas échappé aux manipulations comme l’avaient déjà fait ressortir l’ASPAP et l’ADDIP en 2010. Aujourd’hui, la thèse de la manipulation et du mensonge ne fait plus de doute. Les documents d’archives l’attestent.

Un ancien haut fonctionnaire et président de Férus responsable ?

L’ADDIP situe le problème dès 1995-96 dans le cadre des programmes de financement LIFE-Europe pour les introductions d’ours slovènes de 1996 (2 ourses) et 1997 (un mâle) qui se sont déroulés à Melles, juste derrière les montagnes de Saint-Lary. Ce programme a été établi « à partir de mensonges qui engagent directement l’État à travers les responsables de ce dossier ». Est directement accusé, Gilbert Simon, Conseiller technique puis Directeur de la Nature et des Paysages au Ministère de l’Environnement. Plus tard, il sera Président du Conseil Scientifique du WWF, vice-président puis Président de l’association Férus qui milite en faveur de l’ours, le loup et le lynx. Un des éléments du mensonge porte « sur l’acceptation sociale qu’il savait inexistante ». Et l’ADDIP cite deux courriers officiels de 1991 et 1992 : « Après quatre ans d’effort il existe toujours une opposition, voire une très forte opposition locale, à la présence de l’ours brun et tout ce que cette présence implique ». Mais Gilbert Simon aurait fait «croire l’inverse à partir d’une petite structure montée avec trois communes seulement » qui s’appellera l’ADET-Pays de l’ours en précisant : « permettant ainsi au projet d’être moins parisien /…/ pendant que le projet « lourd » de réintroduction évoqué par ailleurs continuerait d’être discuté ». Grosse manipulation fromentée dans les palais de la République notamment au Ministère de l’Ecologie.

L’Union Européenne n’est pas dupe

Si le coup a fonctionné avec brutalité à l’égard des éleveurs et populations locales des vallées des Pyrénées, l’ADDIP précise qu’en 1999, l’Europe écrivait : « À l’issue de ces premières réintroductions, un bilan sera réalisé (adaptation des ours, acceptation sociale) et permettra de déterminer si une deuxième phase de réintroduction avec 3 ours supplémentaires est possible. /…/ valeur de test de l’acceptation des populations locales. ». L’Europe a alors annulé la « seconde phase » du financement, « à cause de l’opposition des populations locales » selon le bilan LIFE de 2011. Preuve, s’il en fallait une, que l »Europe s’était rendu compte « que cette acceptation n’existait pas, qu’on l’avait bernée ».

En 2006, les introductions sont faites sans l’aval de l’Europe et les pyrénéens résistent et encore plus lorsque la ministre Nelly Olin les traitera d’ânes. L’Europe persiste dans sa position comme le précise le bilan Life de mars 2013 qui rappelle que la population d’ours n’est pas viable génétiquement et que : « Une forte opposition locale peut signifier que des projets de nouveaux lâchers risquent de ne pas obtenir le feu vert. /…/ La population pyrénéenne d’ours bruns reste donc menacée, et seul un changement important dans les attitudes locales à la présence de l’ours dans les Pyrénées peut la sauver. » Mais qu’importe puisque les pyrénéens n’en veulent pas et se sont largement exprimés en février 2011 contre toutes introductions dans le cadre d’une consultation publique.

Les mensonges se poursuivent mais la directive habitats est là !

Pierre-Yves Quenette, responsable scientifique de l’Equipe Technique Ours de l’ONCFS, « continue à déformer la réalité dans ses rapports publics nationaux, voire mentir dans ceux qu’il transmet à l’Europe à propos de l’acceptation sociale » selon l’ADDIP. Mais l’Europe, par ailleurs bien informée du « rejet des populations des deux versants » et elle maintient sa position de ne « pas relancer de programmes de réintroduction ». Pourquoi ?

Alors que les associations écologistes font régulièrement référence aux « obligations internationales de la France » et à la directive européenne « habitats », dans une étonnante réaction quelques heures après l’annonce de l’effarouchement, l’association Ferus reste muette sur ces deux points tout en réitérant ses fantasmes sur le nombre de brebis mortes. Elle est d’ailleurs la seule association pro-ours à avoir réagi. Et pour cause. Cette directive est en définitive favorable, depuis longtemps mais jamais appliquée, aux pyrénéens. En effet, les articles 2 et 22 de la Directive précise que toutes les actions doivent tenir compte des réalités locales et, pour les réintroductions, qu’elles ne peuvent avoir lieu qu’après « consultation du public concerné. » Il est bien précisé : « Concerné ». L’ADET et FERUS peuvent continuer à faire signer des pétitions, elles ne servent à rien d’autre que faire sourire dans les vallées. Ferus peut poursuivre ses actions sur les marchés d’été dans les Pyrénées pour convaincre les touristes, leur voix ne compte pas. Faire croire qu’ils peuvent renverser la situation n’est-il pas quelque peu mensonger ? Le public ne serait-il pas trompé par ces associations qui poursuivent leurs actions auprès de l’Europe en sachant que celles-ci ne sont pas recevables ? Et des actions bien souvent avec de l’argent public. Curieux et étonnant comportement.

Aucune obligation d’introduction

Depuis 2011, l’ONCFS puis les associations écologistes ont tenté d’autres procédures d’introduction en parlant d’urgence écologique et d’obligations internationales de la France. Curieuse lecture, très partielle, de la directive. En effet, en mettant un terme à son appui aux introductions, « à cause de l’opposition des populations locales », l’Europe ne fait que respecter la législation. Ce qui fait dire à l’ADDIP : « Si l’Europe n’avait été bernée par M. Simon, au nom de l’État, elle n’aurait pas davantage réintroduit en 95-96 qu’elle ne l’a fait après et pour les mêmes raisons. Toutes les suites du programme ours découlent de ce mensonge initial ». D’autant que la directive n’impose, à aucun moment, des introductions.

Quel avenir pour les ours slovènes dans les Pyrénées

Nous pouvons dire, à priori, qu’ils n’ont aucun avenir. Génétiquement, la population n’est pas viable. Les habitants des vallées concernées, dans leur grande majorité, n’en veulent pas. Et puis, si en 1991 il n’y avait pas eu ce mensonge sur l’acceptabilité sociale qui constitue un « disfonctionnement majeur du processus de décision », il n’y aurait plus d’ours et plus de problème. Pour la coordination pyrénéenne, les disfonctionnements décisionnels de 1991 mettent « en jeu la gouvernance sous ses aspects à la fois de fond (politiques et moraux) et très concrets. Il faut en tirer les conséquences ». Et quelles conséquences ! Les solutions sont proposées : « enlever ces ours, les placer en un lieu où ils ne nuiront à personne ». C’est-à-dire un parc animalier ou un retour à leurs origines. Pour les éleveurs et les élus, « il est inadmissible de continuer à faire payer à ceux qui ne le voulaient pas les conséquences de ce qui est une escroquerie d’État alors que l’Europe elle-même en a tiré les conclusions que nous venons de voir ».

Nous voyons donc que l’avenir de ces ours est bien sombre et que les associations écologistes, même si elles font du bruit, sont totalement exclues du processus décisionnel qui revient aux personnes « concernées » selon le texte européen. Si des ours sont encore là, ce serait en toute illégalité. Et sur ce point, les associations pyrénéennes restent fermes : « Si l’État n’assume pas ses responsabilités, nous suppléerons à cette carence ». Sous-entendu à peine voilé : le fusil !

Une mission interministérielle doit arriver sur le terrain dans la semaine. Une de plus. Pour calmer le jeu ? Sûrement pas. Mais, par contre, ce serai bien pour se faire rappeler ses responsabilités et ses obligations. Et nous savons lesquelles.

Louis Dollo

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