« Laisser à l’exploit sa part de rêve …

Il serait faux de dire que là haut nous ne faisons rien d’autre que nous déplacer, nous défoncer, nous fatiguer le corps comme autour d’un stade. Les gouttes qui coulent aux plis de nos yeux mi clos ne sont pas seulement des gouttes de sueur là haut, ce sont aussi des larmes de bonheur, des perles, lumineuses et intenses.

Il a beau dire l’autre, que seuls les athlètes arrivent à faire de belles choses sur les cimes, je n’y crois pas. La montagne est faite pour les artistes, les rêveurs, les utopistes joyeux. Les athlètes ? Les athlètes là haut, hélas trop souvent ils y meurent.
Parce qu’à force de regarder la montre, on en oublie de lever les yeux (moi le premier). Parce qu’aux forceps de la performance on néglige nos rêves et qu’à vrai dire il n’y a bien que nos rêves qui nous maintiennent en vie, non ?

Prendre la montagne comme une page blanche, une toile vierge, un bloc de marbre et y dessiner nos envies, y graver nos illusions. Y écrire nos histoires de défaite ou de victoire, y assouvir nos faiblesses et en revenir … vide d’exploits mais plein d’espoirs.

Ne plus parler d’impossible, écarter l’extrême. S’entrainer évidemment, s’entrainer fort et dur oui, jusqu’à ne plus pouvoir comme un peintre et ses nuits blanches à déchirer la toile. Mais s’entrainer pour une œuvre, une idée.
Laisser à l’exploit sa part de rêve, d’incrédulité infantile, ne pas aseptiser l’utopie !
Il n’existe rien de pire que d’aseptiser l’utopie.
Parce que ce qui devrait compter au final, n’est pas tant la signature de l’artiste que la beauté de son œuvre.

Dès que l’un de nos pieds sort du chemin, nous créons … nul n’est besoin d’être virtuose ou expert, il suffit d’imaginer. Il suffit de suivre ce qui nous rend heureux là haut, profondément heureux. Il suffit de prendre une carte, regarder un film, des photos, lire des histoires … et s’imaginer écrire la nôtre.

Alpinistes, promeneurs, grimpeurs, coureurs des cimes ou skieurs ne nous contentons pas de grimper, courir ou skier. Ouvrons nos cartes, nos topos, nos livres, imaginons nos lignes… nous avons tant d’histoires à partager, nous avons tant de rêves à essayer ! »

Paul Bonhomme

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